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Le calvaire, la vallée Rosière, PSP....

Contexte

 

Le lieu qui fait l’objet de ce travail s’inscrit en milieu rural : espace de culture et d’élevage, une portion du territoire de la commune de Toutencourt dans le département de la Somme.

Il est traversé par la départementale 23, axe de circulation reliant les villes de Doullens et Corbie et traversant une mosaïque de villages distants de quelques kilomètres. Plusieurs lieux-dits le composent : laVallée Rosière,la 

Panayme, le Mont Renard…

En bordure de cette route, un calvaire érigé au XIXème siècle - assemblage d’éléments métalliques, poutrelles et fer forgé. Une petite pièce de fonderie boulonnée sur cet ensemble cruciforme représente le corps du Christ. Le tout est scellée sur un monticule de grès de forme pyramidale tronquée. Huit tilleuls taillés en espalier définissent le périmètre de cet espace gazonné.

Cet ensemble, constitué de multiples figures, participe à la définition de l’esthétique de la ruralité « Pastorale » : 

des champs, des pâturages, des haies, des bosquets et des bois. Il est structuré géométriquement à partir du plan cadastral des parcelles agricoles, schéma du remembrement des années mille neuf cent soixante. 

Sa représentation en plan laisse apparaître une structure en « arêtes de poisson » ayant pour axes routes, chemins et servitudes. Le point de vue qui fait “paysage” est conditionné par les différents axes de circulation. La départementale 23 en propose principalement deux :

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-   En sortant du village, sur la gauche le calvaire, un coteau boisé sur sa hauteur et à droite une plaine cultivée dont la 

perspective est formée par différents rideaux d’arbres et un grand bois en arrière-plan.

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-   En rentrant dans le village, le point de vue est en légère plongée et traverse le coteau boisé cité précédemment. De chaque côté Il se complète par un ensemble de parcelles agricoles cultivées (structures géométriques), les premières maisons du village et leurs jardins. L’arrière-plan se compose de plusieurs petites ondulations de terrains cultivés ou boisés.

 

Un troisième point de vue semble également pertinent : Il est situé au bout d’un chemin agricole partant du calvaire. En trois cents mètres de marche on s’élève d’environ vingt-cinq mètres par rapport à la départementale 23 et  quand on se retourne la perception du territoire est toute autre. La vue plongeante sur la Vallée Rosière et les habitations du village modifie les proportions de l’espace perçu précédemment, la profondeur de champ s’amplifie pour placer en principal ce qui fermait la perspective des deux premiers points de vue de la route. A part quelques détails, une autombile sur la départementale, un tracteur traitant une parcelle de colza, ce point de vue paysagé pourrait ne pas être associé à une temporalité définie. 

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Par contre différents indices situent cet instant dans une modernité évidente : champs de colza grands, denses et homogène, hauteur de végétation constante, traces d’engins agricoles motorisés confirmant les traitements répétés de ces parcelles 

cultivées.

Context

 

The place that is the subject of this work is part of a rural area: space for cultivation and livestock, a portion of the territory of the rural municipality of Toutencourt in the department of the Somme. It is crossed by the byroad 23, lines of communication linking the cities of Doullens and Corbie and crossing a mosaic of villages a few kilometers away. Several localities compose it: the Rosière Valley, Panayme, Mount Renard ...

On the edge of this road, a Calvary erected in the 14th century - assembly of metal elements, beams and wrought iron. A small piece of foundry on this cruciform set represents the body of Christ. The whole is sealed on a hillock of stoneware of truncated pyramidal shape. Eight lime trees cut in espalier define the perimeter of this turfed space.

This set, made up of multiple figures, contributes to the definition of the aesthetics of 'Pastoral' rurality; fields, pastures, hedges, groves and woods. It is geometrically structured from the cadastral plan of the agricultural plots of land, a scheme of  regrouping of lands of the years one thousand nine hundreds sixty.

 

Its representation in plan reveals a structure in 'fishbones' having as axes roads, paths and easements. The point of view that makes 'landscape' is conditioned by the different axes of circulation. The byroad 23 offers mainly two:

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- Leaving the village, on the left the Calvary, a wooded hillside on its height and on the right a cultivated plain whose perspective is formed by different curtains of trees and a large wood in the background.

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- Returning to the village, the view is light dive and crosses the wooded hillside mentioned above. On each side it is completed by a set of cultivated agricultural plots of land (geometric structures), the first houses of the village and their gardens. The background consists of several small undulations of cultivated or wooded land.

 

A third point of view also seems relevant: It is located at the end of an agricultural road starting from Calvary. In three hundred meters of walking one rises about twenty-five meters compared to the byroad 23 and when one turns the perception of the territory is quite different. The plunging view on the Rosière Valley and the village dwellings changes the proportions of the space previously perceived, the depth of field is amplified to place in principal what closed the perspective of the first two points of view on the road.

Apart from a few details - an automobile on the byroad, a tractor treating a plot of land of rapeseed, this landscape point of view could not be associated with a definite temporality.

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On the other hand, various indications place this moment in an obvious modernity: large, dense and homogeneous rapeseed fields, constant height of vegetation, traces of motorized agricultural machinery confirming the repeated treatments of these cultivated plots of land.

 

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Portrait de village

Que retenons-nous de la traversée d’un 

village ? De ces groupements d’habitations 

dissociés les uns des autres par des espaces de territoires inhabités dédiés à la culture et à l’élevage ?

 

Quelques caractéristiques proches du 

stéréotype: des bâtiments agricoles construits en périphérie de l’agglomération, un clocher qui se définit au cœur d’un enchevêtrement de toitures à dominante rouge tuile ou gris ardoise. 

L’approche du lieu permet d’entrevoir quelques formes architecturales, des exploitations agricoles, des bâtiments publics hérités de la IIIème République, comme l’école communale ou la poste, quelques maisons de caractère dit "régional", des commerces issus des trente glorieuses et des pavillons, modèles de la standardisation et de la modernité.

 

Portrait éphémère qui s’imprime sur notre 

rétine le temps de quelques minutes avant de traverser le prochain quelques kilomètres plus loin. 

 

Pourtant ces lieux sont le résultat d’un travail sur le long terme, les territoires se sont construits au fil du temps, par l’action de l’homme sur son milieu.

What do we remember from crossing a village? Of these groups of dwellings dissociated from each other by spaces of uninhabited territories dedicated to culture and breeding?

 

Some characteristics close to the 

stereotype: agricultural buildings built on the outskirts of the agglomeration, a bell tower that is defined in the heart of a 

tangle of roofs predominantly red tile or slate gray.

The approach of the place allows to glimpse some architectural forms, farms, public buildings inherited from the 3rd Republics, like the municipal school or the post office, some houses with character said "regional", businesses from the Thirty 

Glorious or pavilions, models of standardization and modernity.

 

Ephemeral portrait that prints on our retina for a few minutes before crossing the next few kilometers.

 

However these places are the result of a work on the long term, the territories were built over time, by the action of the man on his environment.

Portrait de village

 

Inventaire du

cadre bâti 

d’un village 

Village portrait.

 

Inventory of

the built environment of

a village

Lieux de mémoires

Le Monde moderne

 

L’Entreprise élabore l’industrie.

L'État prépare la guerre.

 

L’Entreprise consomme l’énergie du 

Travailleur pour produire.

L’Etat enrôle l’énergie du Citoyen pour 

établir sa puissance.

 

Le Travailleur contraint la matière pour 

fabriquer des biens et des déchets.

Le Citoyen soumet son semblable pour 

produire des conquêtes et des déchets.

 

L’Entreprise crée des lieux de stokage pour ses déchets.

L’Etat crée des cimetières militaires.

 

L’Entreprise recycle ses déchets en produit propre.

L’Etat recycle ses morts en produit de 

mémoire.

 

L’Entreprise est propre.

L’Etat est propre.

 

Le Travailleur consomme.

Le Citoyen commémore.

 

L’Homme invente la guerre.

The modern world

 

The Company develops the industry.

The state is preparing the war.

 

The Company consumes the energy of

worker to produce.

The State enlists the energy of the Citizen for establish his power.

 

The worker forces the material to

make goods and waste.

The Citizen submits his like to

produce conquests and waste.

 

The company creates storage places

for his waste.

The state creates military cemeteries.

 

The Company recycles its waste in

clean duit.

The state recycles its dead into

memory.

 

The company is clean.

The state is clean.

 

The worker consumes.

The Citizen commemorates.

 

Man invents war.

Lieux de mémoires

 

les cimetières militaires 

du Commenwaelth 

de la

première guerre mondiale.

constats et inventaire.

Les grandes vacances

 

Pour les grandes vacances nous partions tous les quatre, mes parents mon frère et moi, pour un mois au bord de la mer, 

destination Berck- plage.

 

A l’époque nous habitions près de 

Valenciennes et ce séjour balnéaire 

commençait pour moi par un exotique trajet en autocar. Nous quittions temporairement les terrils du bassin minier pour les dunes de la côte d’Opale.

Je me souviens que sur ce trajet, tous les ans, systématiquement à mi-parcours, aux abords de Doullens, mon père nous 

interpellait :

« Regardez les enfants, au loin sur votre gauche, les petits drapeaux qui se dégagent de la ligne d’horizon, c’est le mémorial de Thiepval. »

A l’époque, j’avais sept ou huit ans et cette demande d’attention me semblait énigmatique.

 

Quarante ans plus tard les hasards de la vie 

allaient m’amener à vivre avec ma famille dans un petit village à dix kilomètres de Thiepval, près de la commune d’Acheux-en-Amiénois, au cœur d’un site qui fut 

violemment marqué par l’une des batailles les plus meurtrières de la première guerre 

mondiale, la bataille de la Somme.

 

Le mémorial de Thiepval a été érigé en 

mémoire des soixante treize mille trois cent 

soixante sept militaires britanniques morts pendant la bataille de la Somme sans avoir pu être identifiés et sans avoir reçu de 

sépulture.

Summer holidays

 

For the holidays we all four, my parents my brother and I,  used to leave for a month by the sea, destination Berck-beach.

 

At the time we lived near Valenciennes and this seaside holiday began for me with an exotic bus ride. We temporarily left the coal tips of the mining basin for the dunes of the Opal Coast.

I remember that on this journey, every year, systematically half-way, in the vicinity of Doullens, my father challenged us:

'Look at the children, in the distance on your left, the little flags that emerge from the skyline, it is the Thiepval memorial.'

At the time, I was seven or eight years old and this request for attention seemed enigmatic.

 

Forty years later the hazards of life would take me with my family to live in a small village ten kilometers from Thiepval, near the town of Acheux-en-Amiénois, in the heart of a site that was violently marked by one of the battles of the first world war, the Battle of the Somme.

 

The Thiepval memorial was erected in memory of the seventy-three thousand three hundred and seventy-seven soldiers of the Somme without being able to be identified and without having received a burial.

Parcelle N°11

L’agriculteur et

la ligne à haute tension

 

Je me souviens d’une discussion informelle avec un agriculteur à l’époque où je 

photographiais les pylônes d’une ligne à très haute tension et plus particulièrement le chantier de construction. C’était le week-end, le chantier était vide de ses ouvriers et tout le matériel était encore au sol, les 

modules de charpente métallique, les isolants, les suspentes….  

 

Cet agriculteur me demanda quel était la 

raison de ma présence sur son champ et nous sommes très vite arrivés à discuter de cette ligne à THT comme d’un objet qui 

semblait à ses yeux dégradant pour le 

paysage, qui dénaturait une forme d’idéal que serait la campagne, comme un élément décalé à ce qu’il considérait comme faisant partie de son environnement, une manière de construire sa réalité. Tout au long de 

cette discussion je me rendais compte que nos points de vue sur ce sujet pouvaient avoir des similitudes mais en même temps je me rendais compte qu’il y avait des 

distances sur nos manières d’associer les éléments entre eux. 

 

Cet homme né sur ce territoire, issu d’une famille d’agriculteurs depuis plusieurs 

générations avait une manière de penser son territoire et les paysages qui en 

découlent avec des références liées à la terre et aux activités qui en résultent.

 

Tout élément hors de cette pratique de l’espace était pour lui prétexte à le 

discuter, à le mettre en dehors de sa manière d’analyser. Ces pylônes étaient laids, 

métalliques, industriels, trop grands et 

défiguraient le paysage, inutiles pour lui car véhiculant une énergie qui ne lui était pas destinée. 

A ce sujet il évoqua la construction d’un 

gazoduc cinq ans plus tôt qui traverse le même espace de ce territoire. Sur ce point, pas d’observations négatives compte tenue que cette installation est enfouie deux mètres sous terre, donc invisible si ce n’est quelques panneaux d’information en bord de route 

indiquant son positionnement. Cette 

conversation dura 30 à 40 minutes, lui assis sur son tracteur d’une puissance de plusieurs 

centaines de chevaux, avec climatisation et ordinateur de bord, tractant un soc de 

charrue à 6 lames et moi, adossé à la 

carrosserie de ce monstre dont les roues 

arrière m’arrivaient à la hauteur des épaules.  

Nous étions tous deux au même endroit, au même moment et pourtant nous ne voyions pas la même chose.   

 

A partir de cette anecdote j’ai décidé de travailler sur ces rapports que l’on peut avoir avec ce qui nous est donné à voir et ce que nous voulons voir.  

 

Les territoires, lieux de vie par nature, sont certainement les meilleurs prétextes pour enga-

ger ce type de réflexion. 

The farmer and

the high voltage line

 

I remember an informal discussion with a farmer at the time when I was photographing the pylons of a very high voltage line and more particularly the construction site. It was the weekend, the yard was empty of its workers and all the equipment was still on the ground, the modules of metal frame, the insulators, the lines ...

 

This farmer asked me what was the reason for my presence on his field and we quickly came to discuss this line at UHV as an object that in his eyes seemed degrading to the landscape, which distorted a form of ideal that would be the campaign, as an offbeat element to what he saw as part of his environment, a way to build his reality. Throughout this discussion I realized that our points of view on this subject could have similarities but at the same time I realized that there were distances on our ways of associating the elements between them.

 

This man born on this territory, from a family of farmers for several generations had a way of thinking about his territory and the landscapes that result from it with reference elements related to the land and the activities that result from it.

 

Anything out of this practice of space was for him an excuse to discuss it, to put it out of his way of analyzing. These pylons were ugly, metal, industrial, too big and disfigured the landscape, useless for him because conveying an energy that was not intended for him.

On this subject he mentioned the construc

tion of a gas pipeline five years earlier which crosses the same area of ​​this territory. On this point, no negative observations given that this facility is buried two meters underground, so invisible if not a few roadside information boards indicating its positioning. This conversation lasted 30 to 40 minutes, sitting on his tractor with a power of several hundred horses, with air conditioning and computer board, towing a plow of 6 blades and me, leaning back against the coachwork of this monster of which the rear wheels reached me at shoulder height. We were both in the same place at the same time and yet we did not see the same thing.

 

From this anecdote, I decided to work on these reports that we can have with what we are given to see and what we want to see.

 

Territories, places of life by nature, are certainly the best pretexts to engage this type of reflection.

Parcelle N°11

 

Etude d’une

parcelle agricole 

sur une période de

dix huit mois.

Parcel Nr. 11

​

Study of

an agricultural parcel 

over a period of

eighteen months

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